Evguéni ZAMIATINE
(1884-1937)
Evguéni Zamiatine est un écrivain qui joua un rôle majeur dans la vie littéraire en Russie dans les années 1910-1920. Reconnu d'emblée comme un grand prosateur, il collabora à des revues, donna des conférences sur la technique de la prose et anima des ateliers d'écriture. Mais très vite, il se rebella contre la politisation de la littérature.
Il est né le 20 janvier 1884 à Lébédiane, dans la province de Tambov, d'un père prêtre orthodoxe et d'une mère pianiste. Après une enfance solitaire et des études secondaires au lycée de Voronej, il choisit d'intégrer à Pétersbourg un institut de construction navale, en dépit de son attirance pour la littérature. Il fait de nombreux voyages en Russie et à l'étranger, assiste à Odessa à la mutinerie du cuirassé Potemkine, et devient membre du parti bolchevique. Il est emprisonné, puis assigné à résidence.
En 1908, il quitte le parti bolchevique et commence à exercer sa profession tout en publiant ses premiers récits. En 1911, il est exilé de Pétersbourg et rédige Province, un livre qui attire l'attention de plusieurs écrivains. Il se lie entre autres avec Gorki, Pilniak, Chklovski, Rémizov et Ivanov-Razoumnik. En 1913, il part travailler en Ukraine, à Nikolaïev, et continue à écrire sur la province russe. Son récit Au diable vauvert, qui décrit la vie de garnison en Extrême-Orient, lui vaut les foudres de la censure.
En 1916, il est envoyé en Grande-Bretagne pour surveiller la construction d'un brise-glace. La vie en Angleterre lui inspire le roman Les Insulaires. En septembre 1917, il rentre à Pétrograd.
Les années 20 seront pour lui extrêmement fécondes. Il écrit de nombreux récits, des essais, des pièces de théâtre, des critiques, et joue un rôle important dans la vie littéraire : il donne des cours de littérature et des conférences dans le cadre de la Maison des Arts, écrit pour des revues, travaille dans l'édition, en particulier pour « Littératures du monde », qui publie des traductions de classiques étrangers, et occupe un poste important dans l'Association des écrivains de Leningrad. Le groupe des Frères Sérapion le considère comme un maître. S'insurgeant contre le conformisme en art et en littérature, il devient de plus en plus critique envers le pouvoir en place, tournant en ridicule ses efforts pour tout contrôler. Il sera du reste arrêté à plusieurs reprises.
En 1929, à la suite de la publication à Prague, en russe, de son roman Nous (un livre qui inspirera 1984 d'Orwell et Le Meilleur des mondes d'Huxley), déjà traduit en anglais en 1924 et en français en 1929, il est accusé de collaborer avec les émigrés blancs et fait l'objet d'une violente campagne (de même que Pilniak et Ehrenbourg). Sommé de reconnaître publiquement ses erreurs, il refuse de s'exécuter et démissionne de l'Association des écrivains. Sa situation devient de plus en plus difficile : ses pièces sont interdites, ses livres retirés des bibliothèques, et il cesse d'être publié. Acculé, il écrit alors à Staline une lettre lui demandant soit de l'autoriser à publier, soit de le laisser partir à l'étranger.
En novembre 1931, il obtient l'autorisation de partir et quitte la Russie pour Prague, puis Berlin et enfin, Paris, où il retrouve des amis comme Rémizov et Annenski. Mais il se considère toujours comme un citoyen russe et n'est pas très bien reçu par les milieux de l'émigration. Il travaille pour le cinéma (le scénario des Bas-fonds avec Jean Gabin en 1936), et continue à écrire.
Il meurt à Paris le 10 mars 1937 d'une crise d'angine de poitrine.
Aux éditions Interférences sont parus En Coulisses et La Caverne.